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9 janvier 2015


Article paru dans le Bing Bang 60,  

le Mag Urbain-Dijon                              

par Carole Desmarais 

 

 

 

En 1960 j’avais 5 ans. 

Je faisais ma première rentrée scolaire à l’école privée. C’était à ma demande, en future femme émancipée peut-être ! J’y partais toute seule, sac d’école au dos avec ma boîte à lunch en main, toute colorée de bleu foncé, de rouge et de jaune. Mes premiers repas de façon autonome. Le midi, j’ouvrais cette magnifique boîte carrée, en métal, qui contenait mon sandwich au pâté de viande, bien emballé dans du « papier ciré ». J’en sortais mon thermos aux mêmes motifs que ma boîte à lunch. Dans le couvercle amovible du thermos je versais mon lait encore froid. J’avais faim ! La maîtresse d’école, Mademoiselle Proulx, mangeait elle aussi, là-bas devant, sur son pupitre. Parfois elle passait dans les allées de façon discrète, élégante et souriante. 
Nous étions une quinzaine à « l’Oiseau Bleu », belle maison du bord de la rivière des Prairies. J’admirais sa robe grise cintrée, à la jupe évasée et plissée, sa coiffure impeccable aux cheveux relevés sur la nuque et ses chaussures à petits talons étaient l’exemple même de la féminité pour moi ! Mon petit ami Mario portait un nœud papillon au col de sa chemise blanche, le jour de la photo. Je pris place devant le photographe, avec son gros appareil noir et carré. Maman se tenait derrière lui et me faisait des signes que je ne voulais pas comprendre. On me dit d’appuyer mon visage sur mes mains jointes sous ma joue gauche, en inclinant la tête... Je souris mais laissai entrevoir mes dents, que maman ne voulait pas voir. 
Je fus réprimandée !
■ CD